Adieu père !

On dirait que le monde qui m’entourait s’est subitement mis en accélération alors que moi, resté figé dans ma place j'étais incapable de suivre leur rythme, confus et ébahi par ce qui m’arrivait, j’ai perdu le sens du temps, et soudain, un coup de frein brutal à rendu les choses à la normale, me propulsant loin devant, des dizaines de questions me traversait l’esprit, s’agit-il d’un rêve ? suis-je assis dans un bus ? Où suis-je ? Je lève ma tête et je me trouve devant mon père, ou plutôt devant son cadavre, il était sous respiration assistée, entre la vie et la mort, en train d’écouler ses dernières secondes sur terres faisant une petite sieste, mais vas-y, bouge, une dernière partie de cartes ? Allez fait pas le malin je te fais un bon café bien serré ? Un dernier je t’aime ? Un dernier quelque chose ? Après tant d’année, tu ne peux te permettre de disparaitre juste comme ça, sans dire au revoir .. je me trouve vite rattrapé par la réalité, mon père a eu une lésion cérébrale, il s’est fait opéré et il ne s’est jamais réveillé, à l’hôpital je me suis trouvé entouré d’assez de personnes pour me sentir réconforté, mais je ne vais pas mentir, j’étais  tout sauf réconforté, et toujours sous le choc.

Il a toujours été là, toujours bienveillant, souriant, se souciant des petits détails, prêt à aider, prêt à trouver un mot d’encouragement au milieu d’une tempête d’échecs, là pour dire  « Maa3lllich », et en retour, il n’exigeait rien, ne demandait pas de reconnaissance et son bonheur ne dépendait pas des autres.

Une fois en pleine tourmente, je me rappelle d'avoir acheté un livre intitulé « Père manqué fils manquant », car je cherchais un bouc émissaire à mes échecs, à mes problèmes sociaux et à mes blocages mentaux, et il fallait trouver quelqu’un de gentille, de plus gentille que moi, y a mieux que mon père llah yr7mou, mais là avec du recul, je me rends compte à quel point j’étais con, et ce que je regrette le plus est de le voir partir, comme s’il n’a jamais existé, toutes ses paroles se sont évaporées et l’ont accompagné en haut. Je me demande parfois s’il a réellement existé ou s’il s’agit d’un personnage fictif que notre imagination a créé pour compenser le vide laissé par mon vrai père que je n’ai jamais eu la chance de voir, un père de famille normal, qui boit, qui fume, qui entre tard le soir et qui passe son temps à trainer dans les cafés, mon père était too good to be true et sa disparition nous a laissés tous dans le désarroi, et elle n’a laissé personne dans l’indifférence, la famille, les voisins, ses collègues, ses potes, les marchands, ils ont tous pleuré un départ anticipé, ils ont tous regretté devoir continuer leur vie sans lui. Car enfin de compte, malgré les signes de chagrin visibles et indéniables sur leurs visages mais la vie continuera surement pour eux, c’était pas leur tour .. tout le monde verra sa vie continuer, y compris moi et mon frère, mais une personne ne fera partie des chanceux rescapés du clan life goes on, et je vous laisse deviner de qui je parle.

Je vois mal comment maman pourrait supporter cette perte, j’essaie de la conforter, de lui ouvrir de nouvelles perspectives, de l’écouter, de lui exprimer et lui rappeler mon amour, à chaque fois qu’elle semble fragile je dois être là pour elle, alors que le fragile de la famille c’est moi, un fragile dans toute sa splendeur.

Parfois je pense aux règles de la vie telles qu’on les connaît, mais qui a fixé ces règles de merde ? Et à quel moment a-t-on exprimé notre consentement pour que nous nous trouvons engagés ? Moi personnellement je ne me rappelle pas d'avoir signé aucun document acceptant d'endurer les aléas  et de subir les caprices de la vie ..  Je lance un grand soupir quand je pense à quel point elles puent l’injustice, l’ambiguïté et le hasard ..  un mec correct, bienveillant envers tout le monde, tendre, sérieux, généreux, qui a dédié sa vie à son travail, en bonne santé, qui était à deux doigts de prendre sa retraite et qui disparait subitement, sans dire au revoir, si les règles étaient annoncées autrement, ça me ferait grand plaisir de lui dédier ma vie, il la mérite, ça ferait une moindre peine à ma mère et après elle s’adaptera à ma perte, au moins elle aurait quelqu’un à ses côtés, quelqu’un de vrai.

A la mémoire de mon père, BEKKALI Mohammed, décédé le jeudi 19 novembre 2020, suite à une lésion cérébrale. llah yr7mou